Les petits riens - Noverre
Marie-Geneviève Massé a recréé en 2006 le ballet Les petits riens, à l’origine composé en 1778 par Noverre. La musique est d’un jeune compositeur à l’époque peu connu : Mozart. Les Petits riens témoignent d’un moment de l’histoire du ballet où celui-ci cherche à devenir un art autonome : l’histoire se raconte uniquement par des gestes, grâce à la pantomime expressive. Cet extrait, fait partie du troisième tableau : Espièglerie ou Le Travesti. Il raconte la farce faite par l’Amour fou, qui intervertit le costume d’un homme et d’une femme allongés à terre après s’être assommés dans le jeu du colin-maillard.
La Fille mal gardée - Ivo Cramer
La fille mal gardée est le premier ballet français à appliquer les idées de Noverre, notamment le choix d’un sujet réaliste. Composé en 1789 par Jean Dauberval, ce ballet alterne passages dansés et moments de pantomime ou d’action, dans une succession de séquences souvent humoristiques et très rythmées. La musique qui mélange de nombreux airs populaires français ponctue les gestes et renforce l’intensité dramatique. À l’occasion de la reconstitution de ce ballet deux cents ans plus tard, par le choréologue Ivo Cramer, Laurence Louppe disait qu’il marquait le passage à « une forme de spectacle dansé autonome où triomphe l’imitation naturaliste des gestes de la vie (…) et le réalisme des sujets quotidiens… ».
Les Enfants du Paradis - Marcel Carné
Le film de Marcel Carné de 1945, Les enfants du paradis, plonge dans le monde du spectacle du 19ème siècle. Le personnage central de cette gigantesque fresque est Baptiste, interprété par Jean-Louis Barrault, qui rend hommage au célèbre mime Jean-Gaspard Deburau. Baptiste, maltraité par son père qui le présente aux passants comme un apathique bon à rien, se révèle moins endormi qu’il n’y paraît, lorsqu’il sauve des griffes des gendarmes la belle Garance—qu’il vient d’apercevoir et dont il tombera éperdument amoureux. On accuse celle-ci, à tort, d’avoir volé une montre-gousset à un bourgeois ventripotent. Par son témoignage muet, Baptiste offre en même temps aux spectateurs un rare moment de grande pantomime.
La mort du cygne - Michel Fokine
En 1907, Michel Fokine crée La Mort du cygne pour Anna Pavlova, sur la musique du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns. On trouve dans ce court ballet les thèmes romantiques de la mort et de l’idéal, la figure du cygne blanc symbolisant la pureté. L’abandon du buste et de la tête à la gravité terrestre, le brisement des lignes des bras et des mains, et la fin de cette danse au sol, sont autant d’éléments de langage expressif pour incarner le passage vers la mort. Dominique Delouche filme ici Yvette Chauviré en train de revivre son interprétation du ballet, lors de la passation du rôle à Dominique Khalfouni.
Les cahiers retrouvés de Nina Vyroubova
Nina Vyroubova transmet ici en compagnie de Cyril Atanassoff un extrait du ballet Phèdre créé en 1950 par Serge Lifar. Héritier des Ballets Russes de Diaghilev, Lifar a collaboré pour ce ballet avec des artistes d’avant-garde: Jean Cocteau pour l’argument, George Auric pour la musique. Dans cet extrait, l’héroïne se confronte au fils de son mari Thésée, Hippolyte, dont elle est secrètement tombée amoureuse. La pantomime se décline en un alliage de gestes ayant une signification précise et d’intentions théâtrales—ici, l’autorité pour Phèdre, le respect et la soumission pour Hippolyte, ainsi que l’amour contenu. On observe cette dépendance de la gestuelle au langage verbal lors de cette transmission : chaque geste et chaque intention corporelle sont accompagnés d’un sous-texte, à la manière des didascalies dans une pièce de théâtre.
Tänzerische pantomimen - Valeska Gert
La danseuse moderne allemande Valeska Gert incarna différentes figures, dans des solos présentés dans des cabarets. S’inspirant de la réalité sociale, elle avait une prédilection pour tous les objets du mépris de la bourgeoisie et un goût certain pour la provocation. Cette vidéo donne à voir des passages de trois de ses solos les plus célèbres. Dans La Mort son corps tout entier est pris dans une alternance de tensions et de relâchements. La tête rejetée en arrière, sa bouche s’ouvre pour laisser passer un cri muet, témoignant du combat de la vie jusqu’au dernier souffle.
Dans L’entremetteuse, Valeska Gert donne à voir ses talents pour les grimaces et les transformations rapides de tout son corps. Le solo Canaille, quant à lui, fait vivre une prostituée qui roule des hanches pour attirer le client, et renvoie le bourgeois à ses propres travers.
La Table verte - Kurt Joos
Dans la veine expressionniste, Kurt Jooss, créateur du théâtre dansé, développe une dramaturgie du geste, en s’inspirant des postures de la vie quotidienne. En 1932, La Table verte dénonce l’absurdité de la guerre et le rôle hypocrite des politiciens. Il les représente avec des masques de vieillards en smoking noir et des gants blancs : ils ne se salissent pas les mains dans le conflit qu’ils vont déclencher. À l’issue d’une discussion animée, ils tirent un coup de pistolet en l’air, faisant place à la guerre.
La Argentina - Kazuo Ono
Kazuo Ono, est le cofondateur avec Tatsumi Hijikata du butô, danse moderne née au Japon à la fin des années 1950, La France le découvre en 1980, avec son Hommage à la Argentina, où il s’inscrit malgré lui dans la tradition japonaise de l’« onnagata », où un homme interprète un rôle féminin. Ono part de la mémoire d’une émotion forte, lorsque, jeune homme, il vit danser sur scène Antonia Mercé y Luque, surnommée « la Argentina ». Cinquante ans plus tard, ce souvenir émotionnel fut réactivé pour lui à la vue d’un tableau la représentant, et un appel est venu de son corps afin de danser cette émotion.
It’s going to get worse and worse my friend - Lisbeth Gruwez
Dans la pièce
It’s going to get worse and worse, my friend,
Lisbeth Gruwez s’intéresse à l’extase produite par le discours sur le corps. Elle questionne la manière dont le corps d’un orateur se modifie au fur et à mesure de l’énoncé. Elle a visionné plusieurs exemples de discours, et l’observation des gestes et postures des orateurs a permis un travail de « récolte », dans l’idée de véritablement les incorporer, pour en faire la base d’une chorégraphie. En enlevant le contenu de ces discours et en se concentrant sur le langage corporel, la danseuse dévoile la violence à l’œuvre, le désir compulsif de persuasion faisant passer le corps de l’orateur d’une apparence aimable et pacifique à une forme de transe vociférante.