Formé en danse classique et contemporaine et titulaire d’un Master en philosophie, le chorégraphe Noé Soulier associe ces disciplines afin de créer un nouveau langage chorégraphique. Explorer le rapport au temps et à l’espace permet au danseur de décortiquer le mouvement et l’intention qui l’anime. Noé Soulier approfondit constamment son vocabulaire de la danse qui évolue au fil de ses créations. Il dirige depuis juillet 2020 le Centre National de Danse Contemporaine d'Angers (CNDC), lieu de création, de représentation et de formation dédié à la danse contemporaine.

Noé Soulier crée son propre langage chorégraphique à partir d’un vocabulaire d’actions et de “buts pratiques” comme frapper, lancer, éviter... Il s’appuie sur la richesse de ce vocabulaire commun à tous les êtres humains, chargé d'émotion et d’affect, qui permet d'accentuer l’empathie et la résonance kinesthésique chez le spectateur. Cependant le chorégraphe veut limiter l’identification de ces actions, en ne les accomplissant pas entièrement ou en utilisant des parties du corps qui ne sont pas adaptées à ces buts, afin de les défamiliariser et donner une autre perception de ces gestes.

Créée en 2015, Removing propose au public une chorégraphie mettant en avant le corps en mouvement dans sa réalisation de « buts pratiques ». Par cette approche, Noé Soulier met en évidence le détail de la mobilité du corps humain lorsque celui-ci se focalise sur un but précis à réaliser, à atteindre. Rares sont les personnes qui pensent à la façon dont elles effectuent le mouvement lorsqu’elles réalisent une action précise avec un but à atteindre. Pour Removing, Noé Soulier structure la chorégraphie à partir de mouvements du quotidien dont il fait disparaître l’aspect pratique.

La pièce Faits et gestes prévoit une part d’improvisation des danseurs : toutes les phrases sont déjà écrites mais les interprètes font des choix improvisés sur scène. Le fait que les phrases soient écrites et très définies permet de garder une structure lisible et de générer des unissons ou des canons. Les choix improvisés comme les entrées et sorties sur scène ou même les décisions de commencer ou arrêter une phrase, créent une autre forme de chorégraphie, beaucoup plus décentralisée et organique, les danseurs s'adaptant sans cesse les uns aux autres. Ce mode d’écriture, pour Noé Soulier, est en phase avec la nature même de son vocabulaire, intégrant l’inabouti, le non-fini qui se reflète dans la chorégraphie elle-même.

Les Vagues, pièce pour six danseurs et deux percussionnistes poursuit la même idée de composition décentralisée que Faits et gestes, mais les improvisations ont été filmées et chaque interprète a ensuite appris sa partie dansée, afin de fixer des phrases de mouvements. La musique est également composée de manière décentralisée : à partir de la structure générée chorégraphiquement, les musiciens ont construit des phrases rythmiques liées à chaque phrase de mouvement. Sur scène, les interprètes, musiciens comme danseurs, s’adaptent les uns aux autres. Ainsi, au fil de ses pièces, Noé Soulier souhaite étendre sa démarche créative aux différents aspects de la représentation : chorégraphie, musique, scénographie…

Dans son travail, Noé Soulier démontre comment différents modes de conception du mouvement peuvent changer notre perception et générer différentes expériences, chez le danseur comme le spectateur. Il conçoit des projets chorégraphiques prenant place en dehors de la scène, par exemple dans des musées. Il conçoit également son livre Actions Mouvements et gestes (Editions du CND, 2016) dans lequel il développe son approche de l'analyse et de l'écriture du mouvement comme une proposition chorégraphique.

Depuis 2017, Noé Soulier mène un projet chorégraphique dans des musées. Performing Art, créée au Centre Pompidou en 2017 puis reprise au Mucem en septembre 2020, propose de changer le dispositif habituel de l’exposition en chorégraphiant le processus d’installation des œuvres d’arts devant les spectateurs. Les œuvres présentées apparaissent ainsi de manière éphémère. Ce projet porte une réflexion sur la place de la danse dans le musée, ainsi que sur l’art chorégraphique comme art d’agencement de l’espace et du temps. On retrouve également la volonté d’utiliser des “buts pratiques” – ici installer des œuvres, les performeurs étant les monteurs d’exposition – pour créer un dispositif chorégraphique.

Mouvement sur Mouvement, créée en 2014, également performée dans des musées, présente Noé Soulier seul sur scène, effectuant les séquences de Improvisation Technologies de William Forsythe. Il met en scène cet outil d’analyse et de création chorégraphique, tout en présentant oralement les gestes exécutés ainsi que les différentes manières d’observer et produire du mouvement. La superposition du discours et du geste dansé offre un regard totalement différent sur le mouvement pour le danseur et le spectateur; sa voix guide sa danse, parfois en accord et parfois en complète opposition. Pratique de la danse et réflexion sont présentées sur un même plan ; les explications précises sont détournées et mises en mouvement, posant de nouvelles interrogations sur ce que peut être la danse.