Múa
1999
Chorégraphe(s) : Huynh, Emmanuelle (France)
Présentée dans la/les collection(s) : CNDC - Angers
Producteur vidéo : Compagnie Mùa
Múa
1999
Chorégraphe(s) : Huynh, Emmanuelle (France)
Présentée dans la/les collection(s) : CNDC - Angers
Producteur vidéo : Compagnie Mùa
Múa
Emmanuelle Huynh crée Múa en 1995. On retiendra cette pièce comme participant des fondations des nouvelles esthétiques de la déconstruction de la représentation spectaculaire chorégraphique. Múa deviendra également le nom de la compagnie d'Emmanuelle Huynh, ce qui est une autre manière d'attester de sa valeur fondatrice. En l'occurrence, la pièce, un solo accompagné par le musicien Kasper Toeplitz, se développe d'abord longuement dans une quasi obscurité, ce qui bouleverse les attendus perceptifs des spectateurs alors qu'ils assistent à un spectacle « de danse ».
Les artistes, chorégraphique Rachid Ouramdane et visuel Matthieu Kavyrchine, relèveront le défi de produire une restitution vidéographique de cette production aux limites de l'invisible. [On y voit] des « apparitions » de l'interprète – Emmanuelle Huynh elle-même – qui danse nue. Cela donne une impression de ce que fut alors l'expérience du spectateur, amené à envisager en termes neufs les notions jusque-là établies en matière de présence et de figuration d'un corps, comme de saisie scopique de son image.
La peau ne devient-elle pas elle-même une aire de développement de la danse ? Comment se construit le dessin normé d'un corps ? Comment une culture des représentations construit les regards spectateurs au moment où ils sont invités à construire ce qui leur est visible ? Où donc travaille l'art dans ce registre ? La pensée de Merleau-Ponty sera riche d'apports à croiser avec ce geste chorégraphique.
Gérard Mayen
Ce travail fait suite à trois expériences qui m’ont profondément bouleversée et qui, quoique bien différentes, me semblent intimement liées. Tout d’abord, celle du parcours Dark Noir de Michel Reilhac à la vidéothèque de Paris. Plongé dans un noir absolu qui coupe de tout repère visuel habituel, le spectateur est tendu vers tout ce qui peut lui servir d’indication pour sentir, comprendre, saisir. Les sensations corporelles les plus simples sont elles-mêmes transformées et décuplées. Le simple fait de voir acquiert une force inconnue du fait de ce « passage au noir ». Il m’a semblé que l’on pouvait spécifier cette réflexion en ce qui concerne l’image du corps et encore plus précisément celle du corps dansant.
Improviser les yeux fermés constitue la deuxième expérience et est liée à mon parcours d’interprète. Tant par ce qu’elle donne à voir de fragilité et d’abandon que par ce qu’elle fait vivre, la danse les yeux fermés est une expérience fondamentale pour le danseur : le travail interne des sensations coupé de la projection vers le dehors par le regard, acquiert alors une résonance exceptionnelle qui conduit à une danse d’état dont l’intensité est rare.
Enfin, mon voyage au Viêt-Nam, dans le cadre de la bourse Villa Médicis hors les murs, a constitué une étape personnelle et artistique importante. Ne parlant pas la langue, la danse a été mon seul lien, hormis les activités de la vie ordinaire, avec les Vietnamiens. Plongée dans un monde inconnu, j’ai cependant eu le sentiment de connaître, de reconnaître des choses qui me constituaient profondément.
Múa est à vivre comme une expérience où obscurité-lumière, apparition-disparition, silence-musique, danse et immobilité sont les interfaces d’une seule et même chose : l’avènement à soi-même et au monde.
Emmanuelle Huynh
Huynh, Emmanuelle
Née en 1963, Emmanuelle Huynh a fait des études de philosophie (DEA à Paris 1) et de danse (Mudra Béjart/Bruxelles). Après avoir été interprète auprès de Nathalie Collantes, Hervé Robbe, Odile Duboc, Catherine Contour, le Quatuor Knust, elle bénéficie en 1994 d’une bourse Villa Médicis hors-les-murs pour un projet au Viêt Nam, et crée à son retour, son premier opus : le solo Múa, avec l’éclairagiste Yves Godin et le compositeur Kasper T. Toeplitz.
Elle poursuit son travail chorégraphique avec des projets allant à la rencontre de praticiens issus de champs disciplinaires des plus variés : l’astrophysicien Thierry Foglizzo et sa recherche sur les trous noirs aux côtés de six danseurs pour Distribution en cours (2000) ; les plasticiens Frédéric Lormeau pour Vasque fontaine/partition Nord (1998), Erik Dietman pour la performance Le modèle modèle modèle, hommage à Rodin (1999), Nicolas Floc’h pour Numéro (2002), La Feuille (2005) ; le DJ Jeff Mills pour le concert performé Oneness(2013).
En 2009, Emmanuelle Huynh concrétise un projet atypique de collaboration avec la maîtresse ikebana (art floral japonais) Seiho Okudaira : Shinbai, le vol de l’âme, au sein duquel ikebana et danse se répondent, donnant lieu à la création d’un « rikka » (bouquet) dans une scénographie de Nadia Lauro.
Son intérêt pour le Japon et les artistes japonais l’avait déjà amenée en 2008 à chorégraphier le duo Futago (« Jumelle »en japonais) dans le cadre de Monster Project, dialogue d’écritures chorégraphiques créé à Kyoto avec le chorégraphe Kosei Sakamoto, sur le thème du monstre. Et en 2011, elle crée Spiel, duo avec le danseur et chorégraphe butô japonais Akira Kasai.
Elle crée plusieurs spectacles à partir d’œuvres littéraires : Bord, tentative pour corps, textes et tables, projet chorégraphique avec textes de Christophe Tarkos et tables de Nicolas Floc’h (2001) et A Vida Enorme/épisode 1, duo qui sample des textes du poète portugais Herberto Helder (2003).
Emmanuelle Huynh élabore des écritures chorégraphiques qui se renouvellent sans cesse, propres à chaque projet. Dans Heroes (2005) pièce pour sept danseurs et un musicien, elle met en scène les figures héroïques de notre enfance ; Le Grand Dehors, conte pour aujourd’hui, créé en 2007, s’est attaché aux « danses perdues », danses que l’on abandonne durant un travail chorégraphique, et qui témoignent cependant d’un état du monde.
En 2012, dans Augures, sept personnages arpentent un lieu abandonné qui contient les vestiges de vies antérieures dont la leur. Nadia Lauro fait de ce lieu et son architecture, un huitième protagoniste.
En 2009, la création de Cribles au festival Montpellier Danse introduit un nouveau rapport à la musique dans le travail de la chorégraphe : la partition Persephassa (1969) de Iannis Xenakis génère l’architecture de cette pièce pour onze danseurs. La version Cribles/live en 2010 invite les six musiciens des Percussions Rhizome à performer la musique en direct. Elle approfondit le rapport danseurs/musiciens/gestes. Les percussionnistes entourent la danse et le public, selon la pensée de Xenakis.
Emmanuelle Huynh développe depuis une quinzaine d’années un travail pédagogique en direction des écoles d’art, des lieux de formation pour danseurs (ex.e.r.ce à Montpellier, Impulstanz à Vienne, Forum Dança à Lisbonne, International Dance Workshop Festival à Kyoto), pour acteurs (écoles supérieures des théâtres nationaux de Bretagne et de Strasbourg). Elle organise des sessions de travail regroupant des artistes de différents domaines : Hourvari, laboratoire instantané au Centre Pompidou en 2001, Edelweiss au CCN de Montpellier en 2003, Ligne d’arrivée dans le cadre de la résidence de la compagnie au Domaine départemental de Chamarande en 2004, Emanticipation en 2014 à la Fondation Galeries Lafayette.
Elle a mené, de 1992 à 2006, une série d'entretiens avec Trisha Brown publiés en décembre 2012 aux éditions Les Presses du réel : « Histoire(s) et lectures : Trisha Brown / Emmanuelle Huynh ». Elle prépare un livre à partir des échanges de travail avec Akira Kasai lors de la création de Spiel.
En juillet 2004, elle est directrice artistique du festival Istanbul Danse, projet de coopération entre artistes turcs et artistes français regroupant à la fois diffusion, pédagogie et débats.
De février 2004 à décembre 2012, Emmanuelle Huynh dirige le Centre national de danse contemporaine (CNDC) à Angers. Elle y met en œuvre son projet pour ce centre chorégraphique national qui est aussi une École supérieure exclusivement dévolue à la danse contemporaine. Elle refonde le projet pédagogique : elle y crée notamment la formation d’auteur Essais, qui dispense alors un « master danse, création, performance », en partenariat avec l’université Paris 8 Saint-Denis et l’école des beaux-arts d’Angers (Esba-Talm). Elle y accompagne ainsi les artistes émergents, notamment avec le festival Schools, dont la deuxième édition a lieu à Angers en 2011, et la troisième en 2013 au festival Montpellier Danse.
Les deux formations de l’école sont destinées à de jeunes artistes chorégraphiques, interprètes (Formation d’Artiste Chorégraphique) et auteurs (Essais). Le projet artistique du CNDC se déploie autour des cinq missions : création, École supérieure, résidences d’artistes, programmation de la saison danse au Quai, service éducatif et des publics.
En 2013, Emmanuelle Huynh réactive la compagnie MUA et continue son travail de création, d’actions pédagogiques diverses et de projets de coopérations internationales et trans-disciplinaires.
Depuis 15 ans, Matthieu Doze, Pascal Queneau et Nuno Bizarro accompagnent régulièrement l’ensemble de ses projets.
En octobre 2014, elle crée Tôzai!... pièce pour six danseurs et un rideau monumental de l’artiste Jocelyn Cottencin au Théâtre Garonne – scène européenne à Toulouse.
Parallèlement, sur les années 2014-2016, suite à l’invitation des services culturels de l’Ambassade de France à New York, Emmanuelle Huynh met en œuvre le projet A taxi driver, an architect and the High Line, avec Jocelyn Cottencin, un portrait de la ville de New York à travers son architecture, ses espaces, ses habitants, composé de films portraits et d’une performance. L’installation est créée à Passerelle Centre d'art contemporain, Brest en février 2016 et la performance qui active cette installation lors du Festival Danzfabrik / Le Quartz en mars 2016.
A l’occasion de la préparation de A taxi driver, an architect and the High Line, une collaboration au long cours se dessine avec la japonaise émigrée aux Etats-Unis, Eiko Otake, rencontrée en 2013. Celle-ci est ponctuée de présentations publiques (Bruxelles en mai 2015, New York en juin 2015 et février 2016, Berkeley en avril 2016…).
Emmanuelle Huynh prépare actuellement une pièce à partir de « Formation » l’œuvre autobiographique de Pierre Guyotat, dans un espace de Nicolas Floc’h.
De 2014 à 2016, elle est Maître-Assistant associée à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes.
A partir de septembre 2016, elle devient Professeure dans le domaine de la chorégraphie, de la danse et de la performance à l’Ecole nationale des beaux-arts de Paris.
Source : site de la compagnie Mùa : http://emmanuellehuynh.fr/index.php/fr/biographies
Múa
Direction artistique / Conception : forme pour immobilité > Emmanuelle Huynh / obscurité > Yves Godin / silence > Kasper T. Toeplitz / transparence > Christian Rizzo
Production / Coproduction de l'œuvre chorégraphique : Compagnie Múa, Association Than Loan, Centre Georges-Pompidou // Emmanuelle Huynh a bénéficié pour ce projet d’une bourse Villa Médicis hors les murs au Viêt-Nam.
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