Danse sur Mobilier urbain dissuasif
"Les documentaires dansés CEDEZ LE PASSAGE invitent des danseurs-chorégraphes à investir et questionner le mobilier urbain anti-SDF. Nous souhaitons proposer une expérimentation sensible entre danse et cinéma pour confronter le corps et la parole des danseurs aux mobiliers « anti-corps », appelés pudiquement aujourd’hui « mobiliers dissuasifs ».Nous associons nos univers, avec comme fil rouge, nos regards respectifs sur la ville et la place de l’exclu pour la réalisation"
Nawel Oulad et Antonin Sgambato.
Nawel Oulad- Danseuse, chorégraphe www.naweloulad.com
Antonin Sgambato- Réalisateur, producteur https://www.antonin-sgambato.com
Un projet engagé
Le mobilier urbain anti-SDF qui ne dit pas son nom (on l’appelle souvent « mobilier dissuasif ») sert de repoussoir non assumé et de protection face à l’exclu.Parfois faussement design, toujours inconfortables ou dangereuses pour le corps, ces excroissances remplissent de leurs épines nos villes modernes. Avec CEDEZ LE PASSAGE nous proposons à des duos de danseurs-chorégraphes d’investir ces non-lieux et de les transformer en espaces des possibles.À partir d’une sélection de mobiliers urbains anti-SDF présents dans des lieux publics, nous souhaitons chercher par la danse et le cinéma comment nous emparer de ces espaces, les détourner de leurs usages, les expérimenter, les donner à voir et à entendre.
Le mobilier urbain anti-SDF devient, le temps du tournage, le terrain de jeu des danseurs. Ceux-ci procèdent par tâtonnements, recherches, expérimentations… Ils commentent en direct leurs impressions et leurs essentis. Ils s’échauffent entre les plots, slaloment entre les piques, les barrières ou les bornes. Nous captons leur proposition dansée sur ce mobilier et le spectateur commence à comprendre le sens de leurs déambulations, embrasse peu à peu leur point de vue.
La danse propose souvent de faire sortir les corps des cadres et des limites établis. Il nous a semblé essentiel de faire appel à des danseurs-chorégraphes pour créer des mises en évidence filmées de ces mobiliers urbains anti-SDF.Partant du constat que ces structures de béton et d’acier nous obligent à inventer des gestes en réaction, nous demandons aux chorégraphes de proposer – en spécialistes de l’espace et du temps - une expertise de ces ergonomies de l’inconfort.Comment faire pour apprivoiser ces surfaces ? Est-il possible que ces zones dissuasives deviennent des lieux subversifs ? Pouvons-nous les sublimer en lieux de rencontre ? Que disent-elles sur notre place et notre rôle dans la société ?
Une bataille de territoire prend place sur quelques mètres carrés.En risquant l’arrêt, l’effleurement, le poids, la suspension, le contact avec la matière, les danseurs déploient leur corps là où ils ne devraient pas. Ces corps dansants se jouent des contraintes que la ville nous impose en termes de rythme et de temps. En affrontant ces urbanités, ils mettent en lumière ces architectures pensées spécifiquement contre le corps.
Ces architectures deviennent, le temps d’une danse, le lieu inattendu d’une scénographie improvisée, un espace un instant embelli par les contorsions et les arabesques des danseurs. Les corps des danseurs déploient leur créativité et font acte de résistance face à ces sculptures de l’impossible.
Ces « matières » obligent à développer en contrepoint une agile gamme de mouvements. Les corps se contorsionnent jusqu’à trouver une aire de repos. Le chorégraphe révèle au spectateur un dispositif aliénant. Ces reliefs de l’absurde agissent contre la présence du corps. Ils commentent et documentenat l’agressivité à peine masquée de nos villes. Une véritable colonisation a déjà commencé dans nos rues. Les initiatives privées se multiplient (commerçants, restaurateurs) pour créer des mobiliers dissuasifs. De jour en jour, ces architectures empiètent sur l’espace public et le restreignent en délogeant à coups d’hallebardes et de piques – présentées comme décoratives – les derniers enracinés de nos trottoirs .